5/01/2024

Assis à la table du vide

 


Assis à la table du vide
je regarde à l'intérieur
il n'y a rien
mais juste là je sens 
le vent 
le feu
un arbre
mais juste là je sais
une bactérie qui connait l'amour 
devient plus immense qu'une galaxie
je ferme un oeil 
puis l'autre
des grimaces de singe
des sourires de chien 
jusqu'au ciel 
un enfant passe dans mon désert
il rit de mes pauvres clins d'oeil
ma table est un festin
un festin de rires et d'amis
de frères d'oiseaux sauvages 
de vallées de rivières 
de grâces et de putains
un festin de rêves
de lits chauds
de peintures éclatantes
de notes de musiques 
de loups tendres de verres bleus
d'océans de volcans de cristaux 
de livres doux comme des fourrures
de femmes belles de mères aimantes
de courage de beauté
de sales gueules qui disent pardons 
de silences qui disent merci
d'enfants qui s'endorment le ventre plein
assis à la table du vide
je sais que la grandeur existe
elle fait des clins d'oeils à l'horreur
je suis une bactérie qui connait l'amour 
je suis plus immense qu'une galaxie
il n'y a rien
toujours rien
mais juste là je sens
mais juste là je sais
et je clignote bêtement
la nuit est belle
ma table est un festin

 

1er Mai fête des travailleurs


 

Extrait des Carnets du chien ( en cours)

 Cul dans le fossé
Rien à penser
A s'en faire pousser
Des coquelicots dans le nez

4/27/2024

✨ NOUVELLE PARUTION ✨ DES POULES ET DES HOMMES THOMAS VINAU | JÉRÉMIE LUCIANI - Les Venterniers - Avril 2024









✨
NOUVELLE PARUTION
✨
DES POULES ET DES HOMMES
THOMAS VINAU | JÉRÉMIE LUCIANI

Librairie Reservoir Books - Besançon



 

Confusion

Un instant, l'espace d'une brouillardeuse bénédiction, il avait pris pour le bouillonnement tout cru d'un fleuve ou d'une rivière musclée par l'orage, l'éructance aigre et régulière de la rumeur des voitures sur la nationale. Le temps à peine d'un clignement d'oeil son esprit atterrissait en chute libre sur le réel bitumé avec encore au bord de la bouche et dans la courbure de sa silhouette un gout de sauvagine dressé.

4/22/2024

Un ours apprivoisé et une fraise sauvage


 Un ours apprivoisé et une fraise sauvage 
sont enfermés dans une cage 
le jour se lève 

Sur l'Olympe les lendemains de free partie
Les nuages étaient pleins de vomi
Du vomi de dieu c'est quand-même du vomi 

un rossignol vient se moquer du monde 
il invente la musique au passage 

Quand je mourrai 
faîtes comme a dit Georges 
fourrez moi les narines
avec des graines de fleurs 
puis foutez moi la paix

4/09/2024

Communément



 Dans le trèfle commun
perlé de pluie commune
un homme commun
pose sa peine commune
et bien communément
s'apaise doucement


4/02/2024

Je regarde

 Je regarde 
les détails des gens
comme ceux d'un tableau
d'un bijou
ou de ma merde le matin 
je les regarde
en me retrouvant 
à chaque fois habité
de ce sentiment d'étrangeté intime
que j'éprouvais enfant
pour les matières de l'intérieur 
découvertes
la première fois
que j'ai saigné
ou que j'ai aimé
je les détaille
au scalpel aiguisé
de mon infinie tendresse
en sachant bien que nous sommes
le même paysage maudit
à admirer


Un mot de paix



 

 



Leurs dessins rouges et étranges

 




"Je ne cherche 
que les pensées qui tremblent" 
écrit Pascal Quignard
de mon côté j'attends
que mes pensées s'endorment 
à l'ombre des volets entrebâillés 
derrière l'éclat des choses
pour au réveil 
ramasser les mots
qui ont laissé 
leurs dessins rouges et étranges 
sur ma joue

3/24/2024

Ferme la bouche quand tu parles




 Il jette des bouts de phrases
hors de lui
comme on crache dans l'eau
et si personne ne les rattrape
tant pis
Il s'adresse bien à quelqu'un
le clochard qui parle tout seul

Les couleurs



Selon lui 
il y avait autant de galaxies
dans un doute
que de couleurs 
dans un fruit d'Henri Fantin Latour



Selon lui il 

Ce que donne et reprend


 Les jeunes viennent s'asseoir au soleil
sur les marches de l'église St Vincent de Paul 
ça vapote ça rigole ça papote ça tricote
sous le nez de l'ange usé par les prières des hommes
nous sommes le second jour du printemps
prêt à recevoir ce que la vie nous donne
quelques pas plus loin à l'ombre
badigeonnés de merdes d'oiseaux
des clochards dorment



le printemps des poètes à Tours

Un grand merci à  Sabine Faulmeyer pour ses si belles photos de notre lecture commune avec Milène Tournier organisée par le printemps des poètes à Tours. Et un grand merci à Claire Kalfon et l'équipe pour l'accueil !









 

3/18/2024

Bric à brac Hopperien - La Fosse aux ours - Mars 2024

« La lumière 
Est un vêtement. 
La solitude 
Une peau. »



La Fosse aux Ours
me fait la joie de redonner vie ( après une belle première existence chez Alma éditeur avec la complicité de Jean Claude Gôtting) à ce Bric à brac Hopperien. Piste fragmentée d'une fausse biographie reconstruite, à partir de miettes, listes, lettres, textes, poèmes, carnets, (totalement inventés) il s'agissait de raconter un peu Hopper, d'une autre façon, comme un personnage de ses tableaux peut être, à la fois si évidents et si mystérieux, bougrement narratifs et gentiment déroutants, mélancoliques, habités de la lumière électrique Américaine, de la poussière des rues et du vent des falaises de Cap Cod.



"À neuf ans, Ed s'est perdu en plein centre de Nyack. Il n'avait jamais pensé qu'il pourrait y avoir d'autres rues et d'autres maisons autour de sa rue et de sa maison... Lorsqu'il est arrivé à New York, Ed a commencé à se perdre mais cette fois avec un certain plaisir et sans aucune peur. Dans les dernières années de sa vie, il inscrivait parfois au dos de ses peintures la phrase suivante : "Il est préconisé de se perdre dans une ville inconnue pour comprendre ce tableau" 



"(...) Vinau nous fait grâce d'une épaisse biographie, choisissant de n'en donner que la réduction poétique, elliptique. S'enrichit davantage la figure elle-même poétique et elliptique de ce peintre qu'il nous permet moins de connaître que de deviner, comme on a plaisir et scrupule à deviner une personne au travers de son humour, de ses petites habitudes, d'un détail émouvant et minuscule.(...)" Denis Podalydés dans le Monde des livres en 2013



fitness mentality



J'aime ton leggings
j'aime ta volonté d'acier
j'aime ta fitness mentality
j'aime tes adidas toutes neuves
j'aime ton abonnement à la salle
j'aime tes huit minutes de vélo
j'aime ta crise d'hypoglycémie 
j'aime ton rire qui arrive après
je t'aime

3/16/2024

La monnaie des pauvres

 C'est pauvre, tellement pauvre. Mes pensées sont si pauvres, mes perceptions, mes mots. Ce que je capte retiens, transcris, perçois, imagine, tellement pauvre. Ridicule, infime, ce que j'attrape, ce que je garde, ce que je vous donne. Des centièmes, des centimètres, des centimes. Même pas les pièces jaunes, les rouges, roses d'or, celles qui restent toujours au fond du porte-monnaie, qu'on ne ramasse pas quand elles tombent, oubliées aussitôt données, jetées même parfois tellement il n'y à rien à en faire. Ou alors elles s'accumulent dans le cendrier de la voiture, collée à une pastille de menthe, verdissent dans la terre,  dorment abandonnées des années entières dans la veste rangées de l'armoire. Des centimes roses d'or qui valent à peine leur poids de ferraille, dont personne ne s'est jamais attardé à regarder le dessin, anodins, répandus, oubliés aussitôt, oubliés partout, sans valeur. La monnaie des pauvres, égrainées dans les mains sales des clochards, ou dont on retrouve des boîte remplies à l'occasion, des bocaux débordant, dans les affaires des vieillards abandonnés. Il n'y a guère que les simples d'esprits et les enfants, pour y plonger leurs doigts de temps en temps et y fouiller comme un trésor, en écouter la maigre musique, y brasser leur fortune. 

3/15/2024

Plus de peur que de mal

 Un souffle à peine d'amour 
sur le bobo du monde

un bisous de maman
la main qui frotte sur l'épaule
un coup de pschitt désinfectant
ou de mercurochrome

sur toutes les cruautés
sur l'injustice 
la mort sans sommation
l'oeil aveugle des bombes
sur les plaies de l'humanité

voilà tu vois ça y est
 ça va déjà mieux


 

3/10/2024

Azul

Souffle tout doucement


Ces vieux amis oubliés dont il faudrait prendre des nouvelles
une abeille affamée sur la première fleur des pissenlits
cette impression de boue qui luit 
l'écorce nouvelle fragile comme de la peau
une planète fleur de mimosa
un chien qui vomi dans les premières pâquerettes
la trace d'un corps dans les draps froissés d'un lit
les densités luminescentes
blanches grises 
replètes dodues veloutées et changeantes
des nuages qui s'effilochent comme des pensées
dans l'immense bleu immense
du ciel après la pluie



L' enfant des bois / Thomas Vinau


L'enfant est entré dans les bois. Quelqu'un le tenait par la main. Ils se sont enfoncés dans  la terre noire. Leurs mains ont parlé l'écorce. Leur peau le gel. L'homme a éduqué l'enfant. Il lui a appris à lire. Allumer un feu. Creuser un tunnel. Poser un piège. Échafauder le froid. La nuit, l'enfant s'abritait dans ses bras. Le jour, il révisait ses odeurs. L'été il était une grenouille. L'hiver un hérisson. Au printemps un geai noir. En automne une cétoine. Le temps a grandi dans leur ventre. La peau de l'enfant s'est tannée. Les yeux de l'homme se sont tassés. Parfois il tousse du sang. Parfois il repense au départ. Elle est morte. Il a pris l'enfant par la main. Ils sont entrés dans les bois. Il n'en est jamais ressorti. L'enfant l'a enterré. Ce n'est plus vraiment un enfant. Ensuite, il a relâché le lièvre piégé, a mis le feu à son terrier. Puis il est sorti du bois. Plusieurs années s'étaient écoulées. Pendant que l'assistante sociale lui parle, l'enfant révise ses odeurs pour ne pas laisser monter la peur. Maintenant il est vraiment seul. Maintenant il a vraiment froid. Trois choses encore le rassurent. Le manche de son couteau qu'il sent contre sa cuisse. Le livre dans son sac, sur lequel l'homme lui a appris à lire et à écrire. Le livre dont il connaît chaque mot, chaque lettre. Et puis le vent glacé dans la cour. Le vent qui lui lacère le visage. Ce vent, c'était sa chambre d'enfant.